haïku
Fleurs de prunier
Soufflées par le vent
Bruit de l’eau
Basho
“Haïku "
étrange comme le mot sonne sèchement à l’oreille alors que son sens poétique, son intériorité, dit tout l’inverse. À l’entendre, on croirait le cri d’un samouraï. Bref, sec, noble : le mot gicle dans les airs, il ne ruisselle pas, ne se perd pas dans l’espace. On le prononce avec fermeté, sans murmure. Tout semble extrêmement fugitif et véloce à son énonciation ; on dirait le bruit d’un sabre déchirant une feuille blanche.
S’il fallait unir le haïku à une couleur, ce ne serait ni un dégradé ni un camaïeu mais plutôt une teinte pure, un monochrome, du blanc peut-être.
Fleurs de prunier
Soufflées par le vent
Bruit de l’eau
(Basho)
Trois vers et la temporalité se dilate : aucun sentiment n’est distillé dans le poème et néanmoins mille impressions jaillissent en vous. D’où proviennent-elles ? Quelle secrète alchimie du verbe et de l’intuition se joue dans ce périmètre ? Vous cherchez l’effet poétique inscrit dans les mots, la philosophie, le symbole : rien. Vous êtes dans l’ici et le maintenant ; le haïkiste vous offre une expérience sensorielle immédiate : il vous propose de sentir les fleurs de pruniers, d’entendre la brise, de pénétrer le calme de l’eau. Il vous donne à vivre un moment d’illumination.
extrait de "la revue des deux mondes", juin 2013
Entretien - Le haïku ou le chant du silence ; Madoka Mayuzumi et Aurélie Julia
Takahikohayashi, peintre
Wu Changshuo, fleurs de prunier, calligraphe